Vendredi 28 novembre 2025. Dernière soirée à Paris, remise des clés de l’appartement prévue le lendemain. Je rejoins un ex-collègue chez Annette K sur un coup de tête, sans savoir à quoi m’attendre. Soirée géniale. Je me laisse donc tenter par du rab : direction Le Flirt, après avoir réalisé que si l’ami de mon collègue avait pour devoir d’amener son fils chez le dentiste à 9h30, alors je pouvais moi aussi être d’attaque le lendemain pour finir de nettoyer mon appartement.
Pendant le trajet, mon collègue quarantenaire ne pouvait s’empêcher de tirer sur sa puff à l’odeur goût fraise. Le conducteur VTC, en colère, l’a sermonné comme un enfant. Une belle leçon sur la notion de respect. Son ami a fait une blague excellente et lui a dit :
« Alors ? On fait la cueillette ? »
Nous avons uriné comme des chenapans sur les sublimes portes, rue de l’Abbaye, idée bienvenue étant donné la longue attente qui nous attendait ultérieurement.
Alors que nous patientions, un trublion a eu l’occasion de tester la ténacité de ses muscles masséter et risorius, à la suite d’une claque magistrale que le portier lui a tendrement envoyée, après avoir reçu des injures raciales quelque peu hors propos, il faut l’admettre. La tension dans l’air était palpable, contrastant doucement, mais sûrement, avec l’ambiance paisible et rassurante de la Rive Gauche, dont mon collègue vantait les mérites.
Je me permets de faire remarquer aux amis de mon collègue, ainsi qu’à lui, qu’ils manquent d’accompagnement féminin, remarque que nous fera également le videur en nous demandant si nous n’avons pas de copines. On est d’accord là-dessus, c’est déjà ça.
Après une hésitation aussi longue que le temps d’écrire ce commentaire, le videur nous accorde le droit d’entrer et regrette instantanément sa décision en voyant mes baskets. En effet, j’étais le dernier larron d’un groupe de quatre et mes chaussures, tapies dans l’ombre, passaient incognito.
« Alala, je ne les avais pas vues ! » s’exclame-t-il, écoeuré, avec un regard accusateur, comme si j’avais commis une grave infraction.
Il est dégoûté, je ressens clairement qu’il vient de commettre une faute professionnelle, et son regard accusateur m’engage à lui signifier que « je ne sais pas ce que je fais ici ». Très inspiré, il me rétorque :
« Il est toujours temps de rentrer chez vous, Monsieur. »
Que nenni, mon pote, je vais rentrer dans ton bar guindé juste pour te les briser avec mes baskets de black block, et dieu sait que ton patron va te mettre une soufflante s’il voit que tu m’as laissé rentrer avec ça : mes Nike Ava Rover, modèle DX4215-006, noir, bleu, sauge.
Je rentre donc avec la sensation d’être entré au Berghain, où l’on m’aurait accueilli chaleureusement sans aucun doute, avec les portiers qui me soulignent avec insistance que le vestiaire est obligatoire, comme si j’étais un prolo qui allait essayer de gratter quelques pièces en gardant son manteau sur lui toute la soirée.
C’est à ce moment que j’ai entamé une mûre réflexion afin de savoir si cet établissement méritait vraiment que je lui fasse profiter de mon pouvoir d’achat à la hauteur de mes baskets. Évidemment que non ! Je suis donc ressorti bien plus vite que je n’y suis entré, avec toutefois le sentiment du devoir accompli.
Je suis rentré chez moi à pied, quarante-cinq minutes de marche, que j’ai mises à profit en envoyant une question au Jeu des 1 000 € sur France Inter, sur la manière dont on épelle le mot « cueillette », parce que c’est quand même vachement dur à écrire.
Bref, vous pouvez être chômeur, en baskets, et rentrer au Flirt : comme quoi, dans la vie, tout est possible, croyez en vos rêves.
Edit : Je fais évoluer ma note de 4 à 5 étoiles pour avoir appris un nouveau mot, pérégrination, que j'adore. Merci à vous et bonne continuation !